• Ce soir là j’étais sur la véranda, assise sur la dodine je lisais. La lune était pleine, il faisait très chaud. J’espérais que la brise venue de la mer caressât mon visage, mais les grands arbres retenaient le vent dans leur feuillage. Je me laissais bercer par les aventures des héros de Barbara Cartland. Soudain le silence fut interrompu par des roulements de tambours. Le bruit venait de derrière la maison, de la parcelle de terre squattée par les "kiltivatè" qui espéraient une vie meilleure en ville. Le pont qui permettait d’y accéder avait été emporté par les eaux de la ravine lors du dernier cyclone. Bientôt des chants et des cris se mêlèrent au tintamarre fait sur les bidons et les instruments de toutes sortes sur lesquels les "musiciens" tapaient. Plus la nuit avançait, plus les cris et les chants amplifiaient. Je finis par aller voir ce qui se passait. Ce que je voyais ressemblait en tous points à une cérémonie "vaudou". L’endroit où je me tenais, était uniquement éclairé par les rayons de lune. Je me mis à hurler en gesticulant. Vêtue d’une chemise longue blanche je ressemblais à un bizango. Les feux s’éteignirent et la cérémonie s’arrêta.

     Le lendemain, tante Lucie, la cousine de belle-maman, veuve d’un député alla à la messe de bon matin.

    - «Où vas-tu tante Lucie ?»

    - «A la messe pour chasser le démon. Il y avait un bizango dans la cour cette nuit.»
    - «Mais c’était moi.»

    Jamais tante Lucie ne le crut. 

     

    Eh oui ! on a beau être éduqué et cultivé, au beau pays d’Haïti, les croyances ancestrales mènent le peuple par le bout du nez, et ceci dans toutes les couches sociales. A mon arrivée sur l’île on disait que les Haïtiens avaient peur de trois choses, hélas une quatrième arriva avec le sida. Les trois choses étaient, la pluie, la nuit et les chiens. Lorsqu’il pleuvait, tout s’arrêtait. Port au Prince devenait silencieuse. Certains courageux en profitaient pour vider les ordures qui, avec l’eau descendaient jusqu’au bord de mer (les rues de la ville sont en pentes) d’autres les vidaient dans la ravine. La nuit chassait les hommes qui se terraient dans leurs "kay". Les chiens jaunes ou chiens créoles pullulaient, ils appartenaient à personne et pourtant chaque cour avait le sien. Les femmes fumaient la pipe qu’elles allumaient au feu de bois. Rouler la nuit était dangereux car la nuit est le domaine des "loas ou lowas"…


    votre commentaire
  • Pour avoir ma paix, sans empiéter sur la vie du reste de la maison, je me suis installée au rez-de-chaussée, chose inconcevable pour belle-maman et son entourage. Il y avait toujours une demi douzaine de personnes autour d’eux. J’ai tenu bon, affirmant que ravets (gros cafards), tarentules, couleuvres et autres bestioles ne me faisaient pas peur. J’ai même dormi les fenêtres grandes ouvertes, faisant fi des fantômes, bizangos, loups garous de toutes sortes. Tout ceci avec le soutien de mon mari. Il a durant, six mois, nourri et payé le menuisier qui a construit la barrière de séparation d’avec le séjour, la porte du couloir et l’armoire pour la chambre. Ce coin à moi c’était le paradis : une chambre, une salle de bain, une véranda à moi toute seule ! Pour le menuisier j’étais l’ange qui lui a sauvé la vie. Il travaillait pour moi le jour où tous les hommes de sa rue ont été arrêtés pour meurtre. Ne sachant pas qui avait planté un couteau dans le dos de la victime, la police a mis tous les hommes en prison en attendant que la victime sorte du coma et désigne son agresseur. ( Pour info : heureusement la personne n’est pas morte, sinon qui sait ce qui serait advenu de tous les prisonniers qui ont eu très peur pendant plusieurs jours. )

    votre commentaire

  • Bèl parol pa vlé di vérité pou sa !

    Belle parole ne veut pas dire vérité pour autant !


    votre commentaire
  • Belle maman étant haïtienne j'ai vécu pas mal de temps dans ce pays qui fut jadis " La perle des Antilles ". Nous y avons fait la connaissance de soeur Gérarda Supérieure de la Congrégation des Filles de Marie de Louvain en Haïti. Celle-ci, issue d'une famille fortunée, avait un superbe terrain sur lequel elle rêvait de faire construire une basilique dédiée à Notre Dame du Perpétuel Secours, patronne d'Haïti. Mon époux promit de faire les plans. Soeur Gérarda est morte sans que son rêve se réalise. Mais, malgré tout, mon mari tint sa promesse.  Vous pouvez voir tout le projet en cliquant sur l'image.

    votre commentaire
  • Haïti est la première République Noire depuis 1804. Ses habitants se sont délivrés de l’esclavagisme, et pourtant, ne peuvent vivre qu’en esclaves ou en pratiquant l’esclavage. Chaque habitant a son domestique. Ce comportement fait que les derniers maillons de la chaîne sont les jeunes enfants et les vieillards. C’est le pays où la corruption est pratique de survie. Quand il s’agit d’assumer une responsabilité ce n’est jamais personne, c’est celui qui se trouve en dessous. L’adulte accuse l’adolescent qui renvoie à l’enfant et ainsi de suite. Un jour qu’une de nos cuisinières revenait du marché elle était suivie par une très vieille femme qui ployait sous le poids des paniers. J’ai couru pour l’aider. Que n’ai-je fait : "mouin gain in kop pou" (je suis payé pour). La pauvre était payée par la cuisinière et elle avait peur que mon aide la prive de son maigre gain. Le petit gars sur la photo était le "garçon" (domestique) du voisin. Ses parents le lui avaient vendu…

     

    Il a bien fallu que je survive dans cet "autre monde" que je découvrais. J’ai dû faire avec le Moyen- Âge et son lot de gueux, de mendiants quotidiens, le XXème siècle et sa modernité pas assumée par le grand nombre. Tous les Haïtiens qui peuvent se le payer sont sous tranquillisants. Ils avalent le Valium comme des bonbons. N’imaginez pas une pharmacie comme chez nous, mais une simple officine où les médicaments sont vendus à la pièce. C’est le pays où j’ai appris ce qu’était le racisme. Les premières paroles que j’ai entendu : "voici la blanche qui vient nous prendre nos terres", ensuite "ça ion gro blanc". Je pensais que ça voulait dire : c’est une grosse blanche, jusqu’au jour où je l’ai entendu dire à l’encontre d’un homme couleur ébène. Cela signifiait : c’est un riche étranger. Comme quoi, quand on vit dans ce pays il vaut mieux connaître la langue vernaculaire, c’est à dire le créole qui change d’un quartier à un autre. Pas évident !

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique