• Je parle toujours à l'animal qui me suit, la queue entre les pattes. Arrivée à la porte je n'arrive pas à l'ouvrir. Et pour cause, j'avais oublié que dans cette région sauvage, les portes s'ouvraient vers l'extérieur et non vers l'intérieur comme chez nous. L'animal est toujours derrière moi. Enfin lorsque je réussis à me mettre à l'abri, à réveiller les deux Américaines, à leur raconter mon aventure, toutes deux de s'exprimer:

    «Tu as rêvé, c'est impossible, il ne peut pas y avoir un loup dehors à cette heure de la journée, d'ailleurs il fait trop chaud.»

    Je les presse de regarder par la fenêtre, le loup a disparu.

    Ces dames restent sur leur position.

    «Marylou it's impossible.»

    Après le dîner elles seront bien obligées de me croire.


     


     Pour ça oui elles allaient me croire et même constater de leurs propres yeux.

    La journée se déroule tant bien que mal. Je ne suis absolument pas rassurée.

    Une sorte d'angoisse m'envahie. Sonny boy et son petit copain, l'Indien, finissent par rentrer de leur escapade sur le lac. Le voisin a renoncé à sa visite. On dîne dans la cabane réservée à cet usage, pas loin du food cage ou grenier sur pilotis. Il arrive que les ours, les grizzlys et autres plantigrades entrent dans les habitations isolées, attirés par l'odeur de quelque chose à se mettre sous la dent sans trop de difficulté. La porte du cabanon salle de bain a été défoncée au printemps car Sonny boy  y avait oublié quelques bonbons. C'est là que je suis après le dîner. Il est tard, presque 23h, le soleil n'est pas couché
     



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  • Soudain, un léger bruissement de feuilles mortes attire mon attention. Persuadée que ce sont les adolescents qui s'approchent de moi, je ne bronche pas. Le bruit s'est arrêté depuis un moment lorsque j'entends le son du canot à moteur. Levant les yeux, j'interromps mon occupation. Dans le lointain j'aperçois l'embarcation des gamins qui file sur le lac. Mais alors, qui donc a marché tout près de moi? Devant moi, le lac miroite au soleil. Dans mon dos le tronc d'arbre m'empêche de voir quoi que ce soit. A droite, il n'y a rien. A gauche à environ vingt mètres, se trouve la cabane en rondins où dorment mes amies. Je regarde vers le sol. Un bel animal blanc et gris est assis à mes pieds. Ses yeux jaunes m'observent. Dans leur regard je décèle une grande tristesse. Mon pied se balance devant son museau, à portée de crocs. Serait-ce le chien loup de notre voisin? Dans ce cas j'aurais entendu le bruit des rames ou à défaut les sons émis par l'arrivée d'un visiteur. Je n'ai rien entendu de tout cela.



    Bien que je n'aie jamais vu de loup, que je les croyais tous noirs comme dans les livres d'images de mon enfance, il faut bien que j'admette que la bête qui m'observe en est un. Je lui parle doucement avec une voix calme et pondérée. Je m'exprime en français du haut de ma branche. Il est évident que je veux me mettre à l'abri dans le cabanon, qui sur le moment, me paraît bien loin. Finalement, réalisant que je suis en Alaska, pays anglophone, je m'adresse au loup en anglais le nommant Honey Pet. Je descends de mon arbre sans mouvement brusque et me dirige lentement vers le dortoir.

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  • En début d'après-midi, je n'ai toujours aucune réponse. Comme il fait beau et chaud les hommes quittent le campement. C'est une journée idéale pour visiter la vallée des 10 000 fumées. Ils montent dans l'hydravion pour rejoindre la région des volcans. Leurs dernières paroles avant l'envol : «Vous aurez certainement la visite du voisin le plus proche, il veut rencontrer la Française. Il viendra du bout du lac avec son chien. Mais ne l'attendez pas tôt, il doit canoter sur plus de 32 km.» Sur ces belles paroles Marie et sa fille disparaissent dans le dortoir pour faire la sieste. Les garçons Bill et Samy sont dans la nature. Ils sont probablement près du barrage des castors qu'ils m'ont montré dans la matinée. Livrée à moi-même, et de plus est, pas très rassurée par tout ce que le shérif m'a dit, je m'installe sur une branche du grand bouleau qui se trouve entre la cuisine et le dortoir. Perchée là-haut, je me sens en confiance. J'ai pris un livre afin de m'occuper l'esprit. De temps en temps, je jette un coup d'oeil vers le lac. La nature est belle et silencieuse. Mon siège n'est guère confortable. Malgré tout je reste dans l'arbre. Je suis angoissée à l'idée de m'asseoir sur le banc. Finalement le temps passe, la lecture est agréable.

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  • Celui-ci est composé de trois cabanes en rondins construites sur une langue de terre qui s'avance dans le lac, telle une presqu'île. Chaque cabanon a son utilité propre. L'un sert de cuisine, l'autre de dortoir, le troisième de salle de bain. Première règle à respecter dans cet endroit entouré par une nature à l'état sauvage : ne jamais mettre de la nourriture autre part que dans la cuisine ou dans le "food cage" (grenier sur pilotis, hors d'atteinte des animaux). Seconde recommandation : ne pas quitter le dortoir de nuit sans être accompagné d'un homme armé. Tout cela me semble bizarre, j'ai du mal à croire que les ours ou autres bêtes sauvages s'aventurent aussi près des humains.

    Le soleil n'a disparu que pendant deux petites heures. Il est 1 heure du matin, l'heure de se coucher et il fait jour.

    Confortablement installée sur mon lit de camp je revis tous les instants de cette journée inoubliable, il m'est difficile de m'endormir dans ces conditions.

     

     

    Le lendemain, je suis réveillée par des coups de feu. Le shérif est en pleine action. Lorsque je le rejoins, il me montre des traces d'ours. Ces dernières sont très visibles entre le cabanon qui sert de cuisine et le dortoir. De plus elles suivent mes propres traces. Il prétend que l'animal m'a suivie, durant la nuit, alors que je cherchais un verre d'eau pour Marie. Serait-il en train de vouloir me faire peur ? Bizutage ou vérité ? Personne ne réagit à mes questions. 

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  • Enfin il s'arrête près d'un bosquet.  J'interroge Marie: «Sommes-nous arrivées?» Celle-ci se contente de marcher à vive allure, tandis que le chauffeur fait demi-tour. Je la suis tant bien que mal, mes chaussures ne sont décidément pas adaptée à la situation. Heureusement que mon sac de voyage est léger. «Dépêche-toi. Bien qu'il fasse encore jour, il est tard. Je veux arriver avant la nuit. En cette saison, elle ne dure que deux heures, mais au coeur des montagne elle est très sombre et on n'y voit quasiment rien. On nous attend derrière les arbres que tu vois là-bas.»  Quel spectacle! Je vais d'étonnement en étonnement.

     

    Amarré au bord du lac, un tout petit hydravion aux couleurs vives se balance doucement. Dès qu'il nous aperçoit, le pilote met pieds à l'eau et nous aide à grimper dans la carlingue. Il m'installe à la place du copilote afin que je profite au maximum de la vue. Marie se met à l'arrière. Et le voyage continue en direction de l'est cette fois, destination Grosvenor dans Katmai National Monument. La radio est allumée en permanence durant tout le vol. Le pilote discute avec les habitants des environs. Il leur parle de ma présence, tous, à tour de rôle, tiennent à saluer la nièce de Jeanne, le pionnier. C'est vraiment amusant cette radio où tout le monde entend et écoute ce qui se dit. A force de papoter, je ne vois pas l'orignal (élan d'Amérique) que le pilote essaie de me montrer.

     

    «Il est là, sous les ailes de l'hydravion, il file à toute allure entre les épinettes.»

     

    Le soleil disparaît à l'horizon lorsque nous nous posons sur le lac. Dans un instant ce sera la nuit noire. Pas le temps de se servir du Zodiac pour rejoindre le rivage très proche. Nous sautons dans l'eau peu profonde. Je suis toute trempée par manque de bottes. A chacun de me prêter soit un pantalon, soit une chemise aux couleurs du camp, soit des chaussures. En moins de temps qu'il n'en faut, me voilà transformée en trappeur. Rien ne manque, pas même le chapeau de feutre mou, ni le couteau. On me fait visiter le campement.

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